mardi 7 juillet 2009

Bonne lecture!




La loi de la «junk»
Goût. Entrées, plats, desserts, un livre révèle l’étendue de la malbouffe. Par Jacky Durand


C’est le genre de bouquin qui vous donne envie de hurler «Beurk !» au fond de votre cuisine. Et pourtant quel délice salutaire de dévorer "Vive la malbouffe" ! (1). Parce que ce bouquin va décomplexer tous les névrosés du rata, les angoissés du graillon, les frigides du fourneau, les toxicos de la junk food en leur démontrant magistralement une évidence : la malbouffe est partout dans notre assiette , des amuse-bouche aux mignardises, en passant par entrée-plat-fromage-dessert et quart de rouge compris. Et ne rigolez plus à la truffe de votre clébard quand il s’enfile son infâme pâté ou ses croquettes qui fouettent : «27 % des produits alimentaires premier prix vendus en France sont au-dessous des normes de qualité exigées pour les aliments pour chien et chat.» C’est le docteur Christian Recchia, éminent chercheur en science des aliments et expert en «stratégie qualité» pour 27 filières agroalimentaires, qui le dit dans le livre. Vous reprendrez bien un peu de Canigou ou de Ronron ?


Allez, on range nos boulettes à deux balles pour s’attabler devant un autre constat majeur de Vive la malbouffe ! : on ne sait plus à quoi ressemble la queue d’un radis, une plume de poulet ou une écaille de hareng parce que 70 % de la production agricole est directement acquise par les industriels de l’agroalimentaire qui achètent à notre place les produits frais. Vous n’êtes toujours pas rassasié. Alors voilà par le menu quelques tranches de Vive la malbouffe !


Apéro
Vous prendrez bien un petit verre de vin, mais gare au truandage en bouche, du genre vin en camion-citerne déguisé en AOC. Les auteurs citent une étude de la répression des fraudes sur les vins servis durant l’été 2004 dans 4 000 établissements français : près du tiers était en infraction, la palme revenant à un restaurateur de Haute-Garonne, dont la carte affichait 45 «erreurs» sur les 50 bouteilles proposées. Et puis, vous grignoterez bien une petite rondelle de saucisson : «Une équipe de l’Inra a découvert que deux staphylocoques (carnosus et xylosus) pouvaient enrichir les saucissons en cétones, des composés organiques qui dégagent de délicieuses odeurs épicées.»Vous pourrez aussi croquer dans un cornichon. Ceux de Bangalore en Inde où poussent 60 % de la production mondiale achetée 20 centimes d’euro le kilo aux paysans locaux. «Petit hic : comme il fait très chaud à Bangalore, les bactéries transmises par les insectes sont plus coriaces et il faut utiliser plus de pesticides pour en venir à bout.»


Entrée
Ah, les bonnes tomates aux pesticides arrosées d’une huile d’olive qui n’a rien de vierge. Vive la malbouffe ! cite les joyeusetés débusquées par la Répression des fraudes en 2007 : «Des huiles d’olive composées pour plus de moitié d’huiles de tournesol, l’incorporation de graisses industrielles et d’huile de grignon (en clair, du tourteau d’olives, le déchet qui reste après le pressurage des olives), des huiles espagnoles bas de gamme changées en huiles d’olive françaises…» Quant à la tomate, elle a perdu de ses arômes et sa chair est farineuse depuis que «dans les années 90, on l’a dotée d’un gène qui lui a permis d’allonger de trois semaines sa durée de vie après cueillette».

Poisson
Vous préférez ouvrir une boîte de sardines ? Attention, vous n’avez qu’une chance sur vingt et une de tomber sur de véritables sardines depuis que l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a contraint l’Union européenne à accepter que sous l’appellation «sardine» soient vendus la sardinelle, le hareng, le spart ou le sardinop du Pérou, soit au total 21 «produits de type sardine». Vous voulez vous consoler avec une poêlée de coquilles Saint-Jacques ? Alors gaffe aux tricheurs nous expliquent les auteurs de Vive la malbouffe ! : certains n’hésiteraient pas à tremper dans l’eau les noix de Saint-Jacques pour qu’elles pèsent 30 % de plus sur la balance…

Volaille
Il faut pas moins de quatre-vingt-quatre jours pour qu’un poulet élevé en plein air atteigne son poids d’abattage contre quarante jours pour un poulet industriel. Cherchez l’erreur ? Une «viande dure et fade» pour le volatile qui a poussé le plus vite.

Viande
C’est une triste vérité : le cochon industriel (corps allongé pour accueillir plus de viande autour de la colonne vertébrale, cuisses musclées pour donner de beaux jambons) a un petit moral. La faute à un gène d’hypersensibilité au stress dont il est affublé et qui peut le terrasser d’une crise cardiaque à la moindre contrariété. Du coup, certains cherchent à leur offrir de meilleures conditions de vie. A quand les saucisses au Prozac ?

Légumes
Sachant qu’avec 77 000 tonnes utilisées par an, la France est le troisième plus gros consommateur de pesticides au monde, ça fait réfléchir quand on doit manger cinq fruits et légumes par jour. Si vous optez pour le bio, il n’y en aura pas pour tout le monde, puisqu’en France l’agriculture biologique ne couvre que 2 % des surfaces cultivées. Et puis ça coûte de l’oseille de becqueter sain : «Manger entièrement bio revient 50 % plus cher», explique Vive la malbouffe !

Fromages
Edifiant ce constat : «Depuis un décret pondu en avril 2007, les fromages "fermiers" n’ont plus besoin d’être fabriqués de A à Z à la ferme. Un industriel peut faire la tournée des éleveurs pour acheter le fromage en blanc (caillé, égoutté et moulé), l’affiner dans son usine, puis coller dessus l’étiquette "fermier" et le prix qui va avec (jusqu’à 20 % plus cher en épicerie fine).»

Dessert
Envie d’une petite glace ? Pleine de sirop de maïs (à la place de sucre blanc), d’arômes plutôt que de vrais fruits, de lactosérum et de vent. Oui de vent car il suffit d’insuffler de l’air dans un sorbet industriel pour lui faire prendre du volume. Que Choisir révélait ainsi en mars 2008 qu’un sorbet d’une grande marque de surgelés n’affichait sur la balance que 561 grammes de matière par litre…


(1) Vive la Malbouffe ! de Christophe Labbé, Jean-Luc Porquet, Olivia Recasens et Wozniak, ed. Hoëbeke, 19 euros.
Bon appétit!



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